L'IA pense donc je suis - Relecture spirituelle par le Père Arnaud Alibert — Les Entretiens de Valpré

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Au croisement de l’entreprise et de la personne humaine

L'IA pense donc je suis - Relecture spirituelle par le Père Arnaud Alibert

Relecture spirituelle du samedi matin par le Père Arnaud Alibert, aa, Rédacteur en Chef à La Croix

Une fois de plus les Entretiens de Valpré nous ont offert une journée d'intense réflexion, qui fut à bien des égards, jubilatoire pour notre esprit. Mais aussi source d'un grand réconfort en faisant défiler devant nous des personnalités si riches, si humbles et si désireuses de nous partager leur expérience de l'intelligence artificielle, leur manière d'envisager le monde avec cette nouvelle partenaire. Cette Guest star n'a pas fait fuir nos invités traditionnels qui ont tant de prix pour nous, je veux dire la bienveillance merci ChaptGPT, la poésie merci François-Xavier Belamy, ni les rires merci Pierre-Yves Gomez.

Et pourtant, à l’instar de la COP30 réunie en ce moment même à Belém au Brésil, notre édition 2025 des EDV n’a débouché sur aucun point d'accord réellement consistant, pas la moindre définition unanime de ce qu'est l'intelligence artificielle. Nous voilà tous condamnés, pour quelques temps encore, à faire usage, au moins officiellement, de la seule pauvre et fragile intelligence que nous avons, l'intelligence naturelle.

Nous avons adopté plusieurs attitudes face à l’IA. Le discours enthousiaste, presque amoureux, le discours à l’opposé, craintif voire inquiet. J’ai parfois eu l’impression que les intervenants nous présentaient leur action comme s’ils devaient passer au tribunal de l’IA : alors madame IA, je vous plais, vous me laissez continuer ou bien allez-vous me manger ?

Il y a eu quelques moments de repentance à la Saint Augustin, si cher à notre Pape Léon XIV : « Bien tard je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t'ai aimée et voici que tu été au-dedans et moi au-dehors. Et c'est là que je te cherchais et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais. »

Ce rapprochement n’est peut-être pas très heureux mais à la réflexion il montre combien la journée d’hier (ndlr. vendredi 21 nombrembre 2025) m’a marqué, puisque sans usage de l’IA pour cette synthèse, je me mets de moi-même à produire des hallucinations ! Chose heureuse en tout cas, le décor est planté : l’IA est-elle puissante au point de pouvoir dévier en nous la trajectoire spirituelle qui nous fait chercher le sommet de notre être, l’accomplissement de notre humanité, comme témoignage véridique de l’œuvre de Dieu. Puissions-nous dire de l’IA avec Saint Augustin « tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ».

Ayant donc résolu de refuser les avances de la belle et troublante IA pour écrire la synthèse de ce matin, je me suis trouvé hier soir dans l’embarras. « Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j’y ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu’elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu’on puisse juger si les fondements que j’ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d’en parler. »

Là, ce n’est pas moi qui parle mais René Descartes dans la 4ème partie de son discours sur la méthode de 1637. Je continue alors la lecture :

« En considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir, quand nous dormons, sans qu’il n’y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui ne m’étaient jamais entrées en l’esprit n’étaient pas plus vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, je fusse quelque chose. En remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée (…), je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. »

L’équipe pilote des Entretiens de Valpré aurait ainsi décidé de nous faire connaitre l’IA en entrant par la porte de la philosophie, celle où ce qui compte c’est surtout les introductions et où le passage d’une définition à une autre est souvent le principal moteur de la pensée. Nous allions donc devoir nous prononcer pour savoir si l’IA était un outil pour Iulian Danca vicaire provincial, un instrument pour Mathieu Guillermin et bien d’autres, une béquille pour Lydie Catalano, une opportunité pour Etienne de Rocquigny, une technologie pour la note du Vatican Antiqua et Nova, une révolution selon Cédric O et Pascal Guillemin, un rêve pour Christophe Lienard, un défi pour Pierre Giorgini, des systèmes pour Mgr de Germay ou… l’élément d’un arsenal pour Mgr Antoine de Romanet. Comment ne pas donner raison à ce bon René Descartes qui finit sa démonstration avec ces mots : "Ayant remarqué qu’il n’y a rien du tout en ce je pense, donc je suis, qui m’assure que je dis la vérité, sinon que je vois très clairement que, pour penser, il faut être, je jugeai que je pouvais prendre pour règle générale, que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies. Mais qu’il y a seulement quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement."

Je dois vous avouer que bien qu’ayant été, il me semble très attentif, aux échanges de la journée, j’ai eu moi aussi, après Descartes « quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles (les idées sur l’IA, notre conduite à tenir, les chances et les risques qu’elle représente) que nous concevons distinctement. »
Je suis venu avec ce questionnement que j’ai exprimé dans le journal La Croix distribué hier (vous pourrez relire tout l’article) en ces termes :
« L’Intelligence artificielle est-elle de l’ordre de ces progrès domestiques bons à saisir ? De nombreux observateurs y voient bien plus que cela ; à partir du moment où l’IA générative est capable d’imiter, même imparfaitement, une des facultés les plus attachées à l’homme, celle de penser, n’avance-t-on pas à bas bruit mais irrépressiblement vers une rupture avec la notion de progrès qui prévalait jusqu’à présent ? Jadis, le progrès nous faisait progresser, pardon pour la tautologie ; désormais, va-t-il nous faire régresser, nous privant de l’usage noble de notre esprit en organisant la connaissance et en pensant le monde à notre place ? » 
Au moment d’écrire cet édito, je ne me doutais pas que j’entendrais Etienne de Rocquigny, polytechnicien, mathématicien nous dire : « L’aventure de l’IA est religieuse. Ces gens cherchent à changer le monde, selon un désir troublant selon Gn 2 « la femme vit que le fruit était désirable car il rendait intelligence » ; la gnose IA serait donc une puissance diabolique. »
 

Je voudrais donc comme c’est d’usage revisiter avec vous la journée d’hier, et vous confier qu’elle se présente à moi comme une expérience mentale, sans doute intellectualo-spirituelle, où se mêlent 6 disciplines. 6 disciplines dont nous avons eu besoin pour ne pas tomber dans la fascination, dans l’idolâtrie pour garder saufs notre jugement et notre lucidité, face à cette IA qui, comme le serpent Kaa du « Livre de la jungle », nous envoute avec son « aie confiance, crois en moi ».

1/ La première est la philosophie

François-Xavier Bellamy a endossé la fonction du sauveteur en mer. Il s’est présenté lui-même ainsi : « Je ne suis pas expert ; je suis un utilisateur fasciné et inquiet ».

Il a refusé le terme IA ; « c’est une technologie et non une intelligence » nous a-t-il dit. Copernic et Galilée ont initié une révolution scientifique en montrant que la réalité est écrite en langage mathématique. « Avec l’IA, on arrive aujourd’hui au bout et on est obligé de se demander si le nombre n’épuise pas tout ».

Le philosophe et député européen nous a alors invité à remarquer que nous avons en face de nous « des options techniques qui sont + ou – favorables aux finalités : si la finalité est la contemplation, le vélo est un progrès par rapport à l’auto. Problème : comment mettre notre technologie au service de nos propres finalités ? Comment la technologie peut-elle ne pas devenir un destin ? Devant l’IA, nous avons rendez-vous avec notre propre liberté ; il peut en sortir le meilleur comme le pire. Le grand risque est de devenir l’outil de nos outils ».

Mathieu Guillermin, autre philosophe, a pris le temps de nous mettre en garde de ne pas « tomber dans le piège du fonctionnalisme » qui nous dit que « ça vaut parce que ça fonctionne ». Il faut donc voir plus haut, plus large.

2/ Les mathématiques nous aideraient-elles dans cette entreprise ?

Dès le début de la journée, nous avons été mis en face de la réalité des chiffres. C’est Florent Menegaux, PDG de Michelin qui a sonné la charge. D’emblée, il s’est mis à distance d’une réflexion chrétienne : l’IA ce n’est pas du catéchisme pour lui. Il nous a ainsi confié : « Je crois en l’être humain et en la science ; je veux innover et donc nous avons besoin d’immenses capacités de calcul. On est passé de 9000 combinaisons Produits à 9 millions, en 10 ans ».

Ce n’est pas très enthousiasmant mais au moins c’est clair et cela permet de réfuter une illusion : l’IA ne nous fait pas travailler moins mais plus. Avec l’IA, demain sera le monde d’aujourd’hui mais en plus efficace, plus puissant, plus performant.

Mais je dois avouer que je n’ai pas été complètement convaincu. Il y avait trop d’humain dans la voix de Florent Menegaux, dans sa façon de parler, dans les mots qu’il employait pour parler de ses collaborateurs et surtout dans son bafouillement, beau moment de faiblesse partagé avec simplicité quand Benoit Desachy lui a posé la question de la spiritualité. On pourrait retenir finalement ses mots : « C’est quand même incroyable la vie ; j’en ai plus conscience aujourd’hui ; comment ça été possible. Je suis en contemplation, sans comprendre ».

On l’a compris, l’IA est inoffensive si elle trouve en face d’elle un bloc d’humanité, non pas solide comme un roc, mais imprenable parce que fragile, ne laissant aucune prise à des certitudes mondaines faciles, acceptant de transformer toute réponse d’un moment en question de fond, toute information en appel à la rencontre. C’est le sens de la plupart de toutes les interventions de la journée, que je ne peux pas toutes reprendre ce matin, ce qui est bien dommage. C’est aussi le sens des pauses Occurro, qui furent des moments où nous avons remis l’IA à sa place.

Remettre l’IA à sa juste place, c’est bien cela l’enjeu des managers. Vous me permettrez donc de convoquer la 3ème discipline.

3/ La RH et le management

Philippe Février nous a aidé à prendre conscience du niveau de changement qu’implique l’IA. Il a essayé de déjouer les confusions sémantiques qui entourent l’IA, mais nous a prévenu de l’impact sur nos organisations. Comme d’autres, il a parlé de la crainte du grand remplacement, tout à fait réel celui-là, je veux parler du remplacement des cols blancs par l’IA et a posé la question : « Nos entreprises vont-elles passer du modèle pyramide au modèle obélisque ». Abyssal !

Écoutons à ce propos le témoignage de Déborah Salmon, étudiante à l’IRCOM. Elle parle de la fascination qu’exerce sur elle l’IA qui pourrait l’amener à valider ce changement dont parle Philippe Février.

« Travailler avec l’intelligence artificielle paraît bien plus simple, avec des réponses parfois beaucoup plus claires, et souvent de meilleures qualités, que lorsque je demande de l’aide à un camarade ou à certains de mes professeurs.  Peut-être que c’est beaucoup plus efficace et plus simple mais pas forcément plus sain je dois l’avouer, puisqu’on y perd le lien relationnel et humain. 
Mais si on me demandait de choisir entre un travail plus humain mais moins efficace qui demande un peu plus d’effort et l’intelligence artificielle qui me propose un travail très approfondi et qui nécessite moins d'efforts de ma part. Je pense qu'il me serait difficile de résister à cette dernière option. »

Et elle confesse plus loin, ce que Pierre Giorgini dira aussi lors d’une des tables rondes :

« Voilà où est je pense le véritable danger de l’intelligence artificielle ! Parfois je suis face à cette imperfection de ce que je peux produire, rédiger…  alors je demande de l'aide à l'intelligence artificielle. Même si ce n’est pas forcément les mots que j’aurais choisi, que ça n’est pas très personnel, je n’aurais certainement pas pu faire mieux. Et je m’enfonce dans ce mensonge qui me pousse dans un cercle de dépendance qui anéantit ma confiance en ce que je peux produire moi-même et donc m’empêche d’entraîner ma pensée à s’exprimer à l’écrit. »

Quel beau visage d’humanité. Une humanité naturelle, non artificielle. Qui nous invite à un détour par la biologie.

4/ La biologie

Oui, nous faut-il convoquer la biologie pour comprendre l’IA ? L’IA semble avoir ce pouvoir de nous pousser vers une forme d’animalité, de réduction de notre vie intellectuelle à de simples pulsions pavloviennes.

En amont de notre rencontre, j’ai profité de l’occasion d’un contact personnel avec Clara Dupond-Monod, autrice, ayant eu les honneurs de la matinale de France Inter cette semaine, et qui a bien voulu répondre à ma question :

« Qu'est-ce qui dans le parler humain te semble "imprenable" par l'IA, comme une partie d'humanité mise à l'abri pour les années à venir ? » Et Clara Dupond-Monod de me répondre tout à trac : « L’animalité ! Le seul domaine que l'IA ne pourra pas comprendre, c'est son inverse : la pulsion. Donc l'impulsivité, le court-termisme, la brutalité, la hargne, c'est l’avenir ! Les réseaux ont déjà commencé : ils nous transforment en bêtes méchantes, et ce sera notre seule chance de survie ! C'est ce que développe le Musk de mon livre. » J’y reviendrai. 

Évidemment, cette réponse est de l’ordre de la fiction et nul ici ne doit s’y résoudre. Mais la situation est suffisamment grave, il me semble, pour que nous allions rechercher chez Saint Thomas d’Aquin, lumière de l'occident, les mots spirituels de notre réconfort : « Accorde-moi seigneur mon Dieu une intelligence qui te connaisse, un empressement qui te cherche, une sagesse qui te trouve, une vie qui te plaise, une persévérance qui t'attende avec confiance et une confiance qui te possède à la fin ».

Transition toute trouvée pour recourir à la source qui fait sens, la Bible.

5/ La Bible

L’assistance des Entretiens de Valpré a apprécié la présence de deux évêques ; chacun a eu droit à des applaudissements et aucun ne s’est fait croquer par Bernard Chenez. Mgr Antoine de Romanet, évêque aux Armées, nous a partagé que l’IA faisait partie de l’arsenal de la guerre d’aujourd’hui et qu’elle participait à la logique de compétition des puissances. L’IA serait donc née sous le signe d’Athéna, déesse de la guerre. Sentant peut-être la capacité à nous faire désespérer de cette conviction, dite avec tant de persuasion, notre pasteur du matin a rassuré tout le monde en rappelant que de toute façon, Christ est ressuscité ; il a vaincu la mort. Ouf

Mais notre pasteur du soir, l’archevêque de Lyon n’a pas démenti son frère dans l’épiscopat, confirmant l’IA sur le trône d’Athéna. Car nul n’ignore que cette belle déesse est aussi celle de la Sagesse. Or c’est justement avec le verset 9 du chapitre 13 du livre biblique de la sagesse que Mgr Olivier de Germay a clôturé la journée :
S’ils ont poussé la science à un degré tel qu’ils sont capables d’avoir une idée sur le cours éternel des choses, comment n’ont-ils pas découvert plus vite Celui qui en est le Maître ? (Sg 13,9)

En cette matinée spirituelle des EDV, nous sommes fondés à nous demander, au-delà du débat sur la nature de l’IA : est-elle une technique, une logique ou une statistique...  si elle nous conduit un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout, d’une manière ou d’une autre, vers la connaissance du Christ ?

Il s’agit là d’un point clé du discernement que nous, chrétiens, avons à faire. De quoi, de qui l’IA nous rend-elle plus proche ou, autre face de la même pièce, de quoi, de qui nous éloigne-t-elle ?

Dans sa deuxième lettre aux Thessaloniciens (Chap. 2/ Traduction Aelf), Saint Paul prévient ses frères :
01 Frères, nous avons une demande à vous faire à propos de la venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui : 02 si l'on nous attribue une inspiration, une parole ou une lettre prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n'allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer. 03 Ne laissez personne vous égarer d’aucune manière. […] 09 La venue de l’Impie, elle, se fera par la force de Satan avec une grande puissance, des signes et des prodiges trompeurs, 10 avec toute la séduction du mal, pour ceux qui se perdent du fait qu’ils n’ont pas accueilli l’amour de la vérité, ce qui les aurait sauvés. 11 C’est pourquoi Dieu leur envoie une force d’égarement qui les fait croire au mensonge ; 12 ainsi seront jugés tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui se sont complus dans le mal.

Considérer l’IA comme le mal, c’est évidemment trop dire, car il a bien été démontré qu’elle n’avait aucune volonté, ni capacité de discernement. Mais Saint Paul campe bien le champ de bataille : la vérité se rend accessible par la force de l’amour de la vérité tandis que le mensonge se laisse approcher par l’attrait de la séduction.

Il y a là un premier stade de discernement. Le texte romain cité en début de journée par Sébastien Michel, maire d’Écully, nous présente le second, celui du regard que nous portons sur notre prochain, un prochain non numérisable. Le paragraphe 109 d’Antiqua et Nova reprend l’encyclique Redemptor hominis du 4 mai 1979 de Saint Jean-Paul II :
[A&N 109]. (D’autre part,) « la question essentielle et fondamentale » reste toujours de savoir « si l’homme, en tant qu’homme, dans le contexte de ce progrès, devient vraiment meilleur, c’est-à-dire plus mûr spirituellement, plus conscient de la dignité de son humanité, plus responsable, plus ouvert aux autres, en particulier aux plus nécessiteux et aux plus faibles, plus disposé à donner et à apporter de l’aide à tous ».

En fait, on le voit bien, la journée d’hier n’a pas été un match de boxe entre les prouesses de l’artificiel et les capacités du naturel. Ils n’étaient pas deux sur le ring mais trois, la personne humaine, l’intelligence artificielle et, à l’horizon, les promesses auxquelles nous voulons croire, que les chrétiens originent dans le vécu de notre Seigneur, Jésus Christ. « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant » disait Saint-Irénée et non la brillance artificielle. Et c’est par là que je voudrais finir.

6/ Les humanités

L’invité inattendue de cette 23ème édition des EDV est l’acquisition des savoirs fondamentaux, ce qu’on appelait auparavant les humanités. On les a évoquées dans la table ronde sur la doctrine sociale de l’Église, dans l’entretien que mon frère Dominique Greiner a eu avec François-Xavier Bellamy,

En entame de la journée Sébastien MICHEL maire d’Écully nous a rappelé la sentence de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

C’est sans doute Sylvain Monnier qui a été le plus percutant sur le sujet. Pour lui l’apprentissage des humanités est essentiel. Il nous a confié : « l’important n’est pas le résultat mais le cheminement qui a été à l’œuvre ; ce qui est orthogonal à la logique de l’IA, laquelle passe directement de la question à la réponse. Ceux qui sauront le mieux utiliser l’IA seront ceux qui sauront le mieux s’en passer ».

L’intelligence humaine, il est bon de le redire, domine l’IA, qui n’a pas d’empathie comme l’a indiqué Lydie Catalano. La dirigeante d’IA Medical nous a invité à réfléchir à un autre terme pour désigner l’IA, l’intelligence « augmentée » et non artificielle, histoire de ne pas rompre le lien entre ce que nous sommes et cette technique qui est le produit de notre recherche et de notre intelligence.

Une journée c’est trop court pour voir tout le chemin que nous permettrait de parcourir cette augmentation, elle ne nous a pas permis de vivre une croissance.

« Il y a en nous un désir d’infini » disait notre archevêque. Il est donc normal de vouloir être augmenté, prolongé. Ce n’est être ni « un optimiste imbécile heureux », ni « un pessimiste imbécile malheureux », comme l’a fait remarquer Marie Mullet-Abrassart, l’humble et lumineuse directrice de cabinet du PDG de Danone, c’est tout simplement croire, comme nous y appelle Clara Dupond-Monot que j’ai déjà citée, que "l’humain a des ressources." (*)

 

 (*) Dans » La confrontation », Clara Dupond-Monot imagine un dialogue entre un négociateur de la DGSE et un forcené qui se prend pour Elon Musk. Une fiction en miroir de notre réalité. (Lecture d’un extrait, pp 114-118)

 

P. Arnaud Alibert, Rédacteur en chef assomptionniste au journal La Croix