Relecture spirituelle des Entretiens de Valpré du 18 novembre 2022 — Les Entretiens de Valpré

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Au croisement de l’entreprise et de la personne humaine

Relecture spirituelle des Entretiens de Valpré du 18 novembre 2022

Matinale spirituelle des Entretiens de Valpré. Samedi 19 novembre 2022, intervention du P.Arnaud Alibert, assomptionniste.

Les deux caractéristiques de la matinale spirituelle

  • Relire la journée des débats pour essayer de repérer par où Dieu est passé. Car nous avons foi qu’il a été présent et, mieux, qu’il a fécondé la journée.
  • Tenter de tirer des enseignements pour nous, à la lumière de l’Esprit saint et en discerner les appels.

Il faut néanmoins reconnaître tout de suite que la journée n’a pas fait apparaître dans l’éclat de l’évidence les caractéristiques de l’économie souhaitable. Du moins si on se réfère aux trois courtes paroles de sagesse d’Alain Mérieux.

  • Celle inscrite sur le fronton du temple de Delphes en grec ancien : Connais-toi toi-même (Gnoti seauton).
  • Celle tirée des « Actes de Pierre » (texte apocryphe du 6°s.) : « Quo vadis ? » (Où vas-tu ?).
  • Celle de saint Ignace de Loyola : « ite inflamate omnia », librement traduite par l’orateur: « bougez-vous et foutez le feu ».

Le temps de la folie serait-il arrivé à Valpré pour inventer cette économie souhaitable ?

Ce que nous avons reçu avant de démarrer

En amont de la rencontre, sr.Cécile Renouard, religieuse de l’Assomption, avait pris très au sérieux la question de l’édition 2022. Voici quel était son propos dans la vidéo postée deux mois avant les EDV.

  • L’économie souhaitable doit être sobre (« non obèse » selon le mot qu’a formulée Clara Gaymard, cofondatrice de RAISE, qui intervenait sur la finance souhaitable), régénérative et juste, dans les limites planétaires.
  • Pour elle l’économie souhaitable est à chercher entre un plancher social qui assure un minimum à chacun et un plafond d’environnement au-delà duquel la société n’est plus sur un chemin durable. Cette image de l’espace entre plancher et plafond, comme un nid plus ou moins douillé fait penser aux donuts évoqué par Blandine Mulliez, présidente de la fondation Entreprendre.

On comprend vite, avec sr.Cécile Renouard, que s’il y a croissance dans l’économie souhaitable, il s’agit forcément d’une croissance qualitative, qui n’est pas exactement de l’ordre de la prospérité évoquée par Edouard Philippe. Pour la religieuse, il s’agit d’une meilleure qualité des liens, d’un autre mode de vie où, selon elle et à titre d’illustration, les voitures électriques ne pourront pas remplacer à l’unité près les voitures thermiques.

La sœur Cécile Renouard nous prévenait aussi que les critères ISR des placements dans le cadre des pratiques ESG n’étaient pas, à l’expérience, alignés avec les défis climatiques parce que trop insuffisants. Avis que ne semblait pas partager un certain nombre d’orateurs du 18 novembre, au contraire, très confiants dans ces critères, prêts à bâtir autour d’eux l’économie financière souhaitable de demain. Matière à débattre.

Donc tout est complexe. Avec toutefois une clef proposée par la sœur Cécile Renouard pour ouvrir la porte vers une solution : se laisser traverser par nos émotions pour sortir de nos précompréhensions et oser transformer le monde.

C’est la leçon la plus universelle de la journée vécue à la résonance spirituelle la plus claire : Dieu est passé nous visiter, sans doute avec des chiffres, mais nous en avons eu très peu ; plus probablement avec des mots ; et en tout cas assurément avec des émotions.

Ainsi, je résumerais l’ambition de la journée : produire la vision de l’économie qu’il nous fait bâtir avec les briques de nos réflexions et le ciment de nos émotions et de nos rêves.

Lancement de la journée

Le mot d’accueil de François Morinière, président des Entretiens de Valpré a donné le ton : les Entretiens sont une journée d’oasis pour construire la vision de l’économie de demain. Il s’agit moins d’alimenter un réseau ouvert que de bâtir un rêve. Il ne s’agit pas non plus d’un think-tank car il n’y aura pas de rapports écrits de la journée, sauf évidemment le verbatim des ateliers « comment passer d’une économie moderne à une économie souhaitable », déjà remis en fin d’après-midi, à la fois prouesse technique et magnifique transition vers notre matinale.

La certitude qui se renforce d’année en année : dans les Entretiens de Valpré des amitiés se tissent, signe de la vérité du lieu et du moment.

On sent alors qu’il va falloir réfléchir et parler juste. Alain Weill, premier intervenant, dira deux fois : « notre métier est de parler en vérité ». La Bible, notre livre, dit sous la plume de saint Jean : « Ta parole est vérité ». Nous voilà lancés.  Mais quelles paroles avons-nous entendues ?

Une économie souhaitable, c’est peut-être d’abord une économie qui parle l’humain couramment

Il s’agit d’un parler simple, compréhensible de tous. Sans trop d’anglicisme, sans trop d’acronyme, sans trop de concept. Qui parle de notre humanité réellement éprouvée.

Un mot très inspirant nous a été donné par Zarina Khan: Ubuntu. À juste tire, elle a rappelé que c’est le nom d’un système d’exploitation open source. Mais en Afrique, c’est bien plus que cela. C’est un concentré de vivre ensemble puisque ce mot intraduisible sauf en écrivant un livre - ce que vient de faire Jean Paul Sagadou, un père assomptionniste vivant en Côte d’Ivoire- raconte que chacun vit par les autres. Ubuntu c’est moi avec les autres ; moi jamais sans les autres.

Cela va beaucoup plus loin des formules basiques du type « Jamais de commerce sans clients », « Jamais d’éoliennes sans câble de distribution »… il s’agit là d’une vérité d’identité, parlant des personnes. Comme on peut dire « Jésus, jamais sans son Père », paraphrasant la parole de Jean (Jn14) « qui m’a vu a vu le Père ».

Or l’humain est ainsi. Il n’existe pas sans l’autre. Puis-je vous citer un article de la Règle de Vie des Assomptionnistes :

39. La solidarité et la dépendance mutuelle sont pour tout homme la voie de sa libération et de son achèvement. L'Évangile nous invite à assumer ces liens dans la soumission au Père et l'amour fraternel. À la volonté de puissance et au repliement égoïste, il oppose l'attention aux petits et le service des autres. Ainsi, face aux asservissements et aux indifférences coupables, nous cherchons à témoigner de la véritable liberté dans l'Ésprit. "Appelés à la liberté" nous désirons "nous mettre au service les uns des autres par la charité" Gal 5,13.

Cette économie souhaitable doit donc prendre le chemin de l’humanité. Elle doit être humaine. « On pourrait dire qu’elle ne l’est que trop » comme disait à propos de l’Église le regretté Louis Marie billet, archevêque de Lyon au tournant des années 2000. Trop humaine car les paroles sont une chose, les actes en sont une autre. C’est même ce qu’a reconnu Jean-Baptiste de Franssu le directeur de l’IOR. Il a beau eu parler de capital missionnaire, comme pour nous inviter tous à instiller dans les mots du capitalisme des référence enthousiasmantes – et on attend alors dans l’économie souhaitable des comptabilités à double Écritures saintes et des reporting prophétiques-  il n’a pas caché que l’Église, en raison de sa décentralisation extrême « est très loin de pratiquer l’ESG partout. »

Nous voilà avertis. Peut-être nous voilà sommés de faire la vérité en nous-mêmes. Dès ce matin spirituel, demander au Seigneur d’éclairer nos actes et nos paroles pour que tout notre être soit en harmonie, à son service.

Caractéristique 1/ Une économie souhaitable est une économie non entravée, sans État

Il y a là une grande querelle possible de philosophie politique. Qu’est-ce que l’État ? L’entreprise ne serait-elle pas « la meilleure réponse aux questions d’aujourd’hui » comme l’affirmait Jean Charles Decaux, DG de JCDecaux. Et en poussant un peu, se demander : l’État a-t-il le droit d’être un agent économique ? Question à ne pas trancher en début de journée, pas avant la prise de parole d’Edouard Philippe de 20h00.

Certes l’État nous a été bien utile pendant la crise du COVID, mais peut-être est-il surintervenu ? Il a franchi bien des limites et massivement agi, a-t-on dit. N’est-on pas en droit d’évaluer le retour sur investissement ? Notion trop technique ? Peut-être. Mais en prenant des notes, j’ai écrit quel est le R.O.I de la période, que j’ai lu hier soir sous cette forme plus habituelle : « quel est le roi de la période ? ». Bref, qui est le pilote ?

On sent qu’on est à la recherche d’un paradis perdu. Il nous faudrait revenir au temps d’avant, sans État, dans le jardin des origines. Et au fond les différents orateurs se sont distingués sur une question qui ne leur a pas été posée, celle de savoir si ce jardin était le jardin avant la faute de l’Homme où aucun des animaux n’était féroce ou bien s’il s’agissait du jardin d’origine, le seul accessible à l’homme- puisqu’il a été chassé de l’autre (Cf.Gn 3), à savoir un jardin dur, possiblement sans droit,, où tout est objet de crainte.  L’avocat Marie du Gardin a bien dit : « pas de droit sans économie ». Pas sûr que cela soit tout à fait aligné à la D.S.E. qui dirait plutôt que sans ordre éthique et juridique, il ne peut pas y avoir d’économie véritablement humaine. En tout cas la question est posée par l’intervenante : « dans un monde dur et concurrentiel, pourrons nous aller jusqu’au bout de nos vertus » ?

Bertrant Rambaud, Président de SIPAREX, nous a rappelé que la performance financière n’est pas la seule source de la valorisation. Il constate un mouvement d’idées qui veut intégrer toute la société. Signe de cela, l’interpellation d’un jeune étudiant de l’EM, Mateo, qui demande aux responsables présents de mettre en œuvre la matérialité double de la performance. Pas seulement financière, mais aussi sociale, environnementale, et sociétale. Matéo nous remet au centre, peut-être aidé par son oncle, François Euvé, jésuite, théologien aux multiples publications.

Dieu a donc envoyé des anges dans notre journée ! Or les anges n’ont qu’une fonction : délivrer un message. Nous approchons donc.

Caractéristique 2/ L’économie de demain relève le défi environnemental

Un ange a plané au-dessus de nos têtes toute la journée. Il s’appelle « bien commun ». Comme les anges il a porté de multiples autres noms. On pourrait suggérer que la prochaine édition porte sur lui car aucune définition n’a vraiment été arrêtée. Peut-être qu’une formule peut dire l’ampleur du problème ; on la doit à Edouard Philippe : « il y a une urgence à aller moins vite ».

Revenons au Bien Commun. Il semble bien qu’il soit de la famille de l’écologie, mais aucune définition précise n’en a été donnée. La plus consensuelle est venue de Xavier Hurstel, directeur général adjoint de Aéroport de Paris, « le bien commun est que chacun soit à sa place le meilleur pour la société ». C’est effectivement plus court que les 20 pages que La Croix partenaire de l’évènement publie en ce moment dans ses éditions.

Le propos n’est donc pas assuré. Le monde d’ailleurs est sous le signe du point d’interrogation. Comme l’a évoqué Pascal Dumerger DG de la Maïf, observant la multiplication des sinistres liés au climat, ce qu’on appelle sinistres climatiques : « un monde à 4 degrés de plus est un monde inassurable. »

Écologie ; oikos, Zarina Khan ; la demeure de Dieu et du divin.

Le défi n’est pas dans la définition de l’objectif mais dans le réglage de la transition. Et il y a là un enseignement essentiel, profondément chrétien, peut-être même « catéchisant » (qui nous fait devenir croyant).

Cette situation où nous voyons le but sans voir le chemin nous renvoie à notre propre vie spirituelle comme en miroir. Cela en est peut-être la meilleure définition : être plus assuré pour parler du but que pour parler du chemin, plus capable de dire qui est Dieu que de dire à quoi nous convertir pour qu’il y ait un chemin entre Lui et nous. Cela nous parle. C’est là que l’on voit le fruit d’une vie spirituelle : on y expérimente les impasses et les appels à les dépasser, ceux-là que l’on retrouve sous une autre forme dans la vie réelle. Car, de même que le propre de la vie spirituelle est de viser l’union à Dieu, il est absolument demandé à l’économie souhaitable d’aller vers un monde vivable. Donc même si le chemin de la transition écologique de l’économie n’existe pas, il faut le trouver ! C’est cela l’espérance invincible. Croire que le chemin existe, malgré tout.

Caractéristique 3/ L’économie souhaitable est une économie avec du sens

À plusieurs reprises, il a été fait mention du confinement et de la COVID, un peu comme on reconnaît que le péché originel s’il n’est pas historique est néanmoins porteur de sens. Pascal Demurger a insisté : « L’individu a besoin de sens ». « Le sens est source de performance » ponctue pour sa part Jérôme Chapuis, directeur de la rédaction de La Croix.

L’appel de Philippe Dewoost à regarder en face l’éléphant dans la salle à savoir la jeunesse étudiante qui n’y est pas, a fait mouche. Qui a le plus besoin de sens, les entrants ou les sortants ? Dans l’économie souhaitable, il faut pouvoir répondre : tous. Même si tous ne donneront pas le même sens aux mêmes choses. Peut-être cela ne doit pas nous empêcher de chercher à le connaître.

Connaître, cum-nascere comme l’a rappelé Zarina Khan. Cela aussi peut inspirer notre prière ce matin. Demander à Dieu de nous aider à le connaitre et à nous connaitre, c’est-à-dire à naitre avec, à naitre de nouveau, à voir le monde et la vie avec un regard vierge comme celui de l’enfant qui vient au monde. Ouvrir notre esprit à l’émerveillement du monde. L’économie souhaitable est sans doute une économie qui n’est pas saturée de sens, mais pleine d’ouvertures qui permettent à des perspectives longues d’être tracées.

Caractéristique 4/ L’économie souhaitable est une économie qui intègre et ne « tue » pas, à libstar de « L’économie du pape François »

Qu’attendons-nous finalement de l’Église ? Peut-être rien… pourtant elle a des choses à dire.  Dans la matinée, Jean Baptiste de Franssu nous a annoncé un texte à venir du Vatican qui donnera des repères pour la gestion des actifs financiers. Plus largement, il faut faire droit à la théologie du peuple du pape François, rappelle le père Dominique Greiner, assomptionniste, rédacteur en chef au journal La Croix, dont le cadre d’analyse est une théologie faite à partir de ce qu’on observe comme difficultés et ressources au quotidien.

L’espérance qui traverse la pensée du pape est que les choses peuvent changer. Le pape refuse les fausses utopies. Il initie des PROCESSUS de CONVERSION SOCIALE. « il n’y a pas de système qui ferme les cœurs » dit-il.

La vocation humaine de base passe par le travail où le travail est polarisé par la poursuite du bien commun. Il n’y a pas d’économie néfaste quand elle est médiatrice de liens ; elle est alors comme automatiquement au service du bien commun. Tout est entrelacé.

L’économie souhaitable est peut-être cette économie intégrale proposée par Dominique Greiner et Sophie Izoard-Allaux en écho à l’écologie intégrale. Car s’il faut à tout prix préserver la biodiversité, toute la biodiversité, alors il faut porter le regard sur la biodiversité économique. Il n’existe pas que des SA ; il y a des entrepreneurs mutualistes, des sociétés à mission fussent-elles céréalières comme celle de Thierry Blandinières. De même, tous les consommateurs ne sont pas identiques ; ils sont « biodivers ».

Enfin, ne faut-il pas simplement faire ce constat avec le p.Dominique Greiner, que « quand on n’intègre pas on désintègre ». selon lui, notre monde est menacé de désintégration ; l’économie souhaitable est une économie intégrante, un verbe actif, positif, constructif selon les mots de Dominique Greiner.

Pour ce faire, renoncer par exemple, à la vision naïve et fausse de l’ascenseur social et préférer celle de  « l’escalier social » proposée par le général Pierre de Villiers.

Caractéristique 5/ S’éduquer à l’économie souhaitable, comme un catéchisme d’un nouveau type

Tout commence par l’incarnation, au sens de donner un corps aux idées, selon le général Pierre de Villiers. Corps de l’armée, corps du peuple... Où l’identité de chacun est entièrement articulée au collectif, comme les membres au corps entier. Un corps articulé qui fait place à la coopération de tous. Jean-Michel Blanquer parle de « peuple de colibris » où la tâche de chacun est petite mais essentielle.

L’éducation souhaitable vise à donner des savoirs, qui sont vérifiés en tant que savoir-faire et progressivement deviennent les savoir-être. Laure Saint Raymond, mathématicienne, académicienne, appelle à rêver, sans irénisme. Rêver c’est peut-être se dire que l’avenir qui nous est ouvert est un avenir où on aura le droit de se tromper et où la vérité n’est pas une arme que l’on brandit contre un autre mais un objectif à atteindre ensemble par la parole échangée.

Enfin, dans un dernier mot ; Jean-Michel Blanquer lance le défi de choisir des « sujets de levier ». Formule passe-partout certes, mais qui peut aider à croire possible de renverser des montagnes de contraintes pour parvenir à l’économie souhaitable.

Caractéristique 6/ Pour l’économie souhaitable, donner de l’âme

Le mot nous est soufflé par le général Pierre de V : « il faut donner de l’âme, des tripes et non du bien être amollissant ». Voilà le levier à actionner. De l’âme ? les économistes de l’économie du pape François n’en manquent pas ; ils prônent, nous a-t-on rappelé, une économie ouverte à la transcendance ; une économie qui engendre de la joie. Dans cette veine, l’évêque de Lyon, présent, Mgr de Germay, a presqu’eu envie d’inscrire Pauline Jaricot parmi les économistes de François.

Pauline Maire Jaricot (1799-1862) ouvrerait-elle le chemin vers l’économie souhaitable ? Sa biographie est étonnante : souche modeste qui a réussie ; en écoutant un sermon sur la vanité, elle est touchée en plein cœur. Nait en elle cette conviction que ce qui compte ce n’est pas ce qui passe mais ce qui demeure. Elle va progressivement se transformer, intérieurement et extérieurement jusqu’à s’habiller comme une ouvrière. D’une certaine manière, on peut dire que Pauline Jaricot anticipe la D.S.E., dont le père Olivier de Germay nous rappelle brièvement les 4 piliers : la reconnaissance de la dignité, la recherche du bien commun, la solidarité et la subsidiarité.

Pauline Jaricot est une femme leader, avec des courbes de progression incroyables qui partent du quartier pour aller jusqu’aux extrémités de la terre. « Une femme qui fait preuve de grandeur d’âme », dit Mgr de Germay.

Rémi Brague, philosophe avait prévenu : « Seul un Dieu transcendant peut faire l’unité du genre humain. » Mais cette unité du genre humain ne sera jamais achevée, ni peut-être même commencée si nous ne faisons pas l’unité avec nous-mêmes. [C’est tout l’enjeu de la matinale des EDV. C’est tout le fruit que nous espérons pour chacun de vous.] C’est aussi tout le sens de l’intervention de François Daniel Migeon, fondateur du cabinet Thomas More Partners, qu’on a envie d’appeler avec un brin d’humour et beaucoup de respect Père François Daniel !

Son propos vise à susciter des leaders authentiques, autrement dit, non pas des hommes providentiels, mais des personnes comme vous et moi, qui aillent dans le bon sens. Pour lui, l’esprit de l’économie ne peut pas être autre que le service du meilleur, s’entend « le meilleur de ce que chacun a à donner (…) Il s’agit de servir une raison d’être qui nous dépasse. Il s’agit de servir avant de me servir. Il s’agit de me transformer avant d’exiger la transformation des autres. »

3 critères nous sont donnés, qui peuvent inspirer notre vie professionnelle, comme notre vie relationnelle pour notre vie ecclésiale :

  • « Choisir la rencontre plus que la transaction pour avoir une transaction souhaitable ».
  • « Choisir la fidélité à sa raison d’être plus que la performance pour avoir une performance souhaitable ».
  • « Choisir la responsabilité sociétale plus que l’efficacité économique pour avoir une efficacité souhaitable ».

Pour cela, il faut que le leader souhaitable d’une économie souhaitable sache se retirer. L’action de se retirer est présente dans l’évangile en Mt 6,6 : « retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. »

L’acteur de l’économie souhaitable ne doit pas ambitionner de devenir moine mais de mettre en place une « intériorité de l’action ». Cela passer, parfois, par « laisser une place vide dans le concert du monde pour habiter l’action ». Se faire « creux pour accueillir les autres et le réel et se demander : vais-je avoir le courage d’offrir mon meilleur aux autres ? »

Les hébreux ont développé une mystique très inspirante. Ayant constaté que la mer s’était retirée pour laisser passer le peuple en fuite, poursuivi par Pharaon et ses armées et que de là était née leur liberté. Les rabbins au fil des générations ont raconté la création de l’homme selon cette image. Cela a donné le tsim-tsoum, celle théologie de la Création où Dieu crée en se retirant, comme la terre émerge parce que l’eau se retire. L’humain aurait été écrasé par le divin si Dieu, dans son immense bonté, ne s’était pas retiré. Évidemment, cela a un coût, un dommage collatéral, et disons-le franchement une externalité négative : la liberté de l’homme, surtout celle de faire n’importe quoi. Car le retrait de Dieu, le tsim-tsoum, laisse à nu la conscience humaine dont François-Daniel Migeon nous a dit qu’elle était le pilote de dernier ressort. Il nous faut vivre dans la fragilité de notre conscience, dans ce creux, chacune de nos rencontres, « nous y enfouir » - nous a proposé François-Daniel Migeon. « Lâcher l’efficacité, poursuit-il, pour choisir la fécondité. »

 

 

 

Le mot final pourrait être laissé à l’Évangile, ce qui ne serait que justice.

Lecture de l’appel de Matthieu (Mt 9) :

 09 Jésus partit de là et vit, en passant, un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit. 10 Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples. 11 Voyant cela, les pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? » 12 Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades.