Jean Deydier — Les Entretiens de Valpré

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Au croisement de l’entreprise et de la personne humaine

Jean Deydier

Aujourd’hui, l’usage du numérique fait partie de notre quotidien, mais 5 millions de français en sont exclus. La pandémie remet en question notre mode de vie et notre économie. Quelles solutions trouver ? Fondateur d’Emmaüs Connect et We TechCare, Jean Deydier nous donne ses propres pistes de réflexion.

En quoi l’inclusion numérique est-elle encore plus cruciale en ces temps de pandémie ?

Le confinement engendre une double peine pour les populations en manque d’autonomie sur le numérique, des personnes déjà  souvent fragiles socialement ou les plus âgées de nos séniors.

Le numérique est avant tout nécessaire aujourd’hui pour maintenir le lien social. Il permet non seulement de se parler mais aussi de se voir et on en constate aujourd’hui toute l’importance.

Je parle de double peine car le numérique c’est aussi l’amélioration du quotidien qui peut devenir vital.

Je parle ici de l’accession aux droits sociaux (Caf, Pôle Emploi, Impôts) , mais aussi aux services financiers et santé avec l’explosion de la télémédecine. L’utilisation de la carte de crédit devient essentielle: le paiement en ligne est favorisé et la manipulation du “liquide” dangereuse avec la propagation du virus.
L’accès aux courses en ligne devient nécessaire pour les personnes âgées, or il est compliqué, voir le plus souvent inaccessible pour ce public.
Toujours dans l’amélioration du quotidien des personnes, j’ajouterai les loisirs avec les jeux et les films que l’on retrouve sur tablette, téléphone ou ordinateur. 

De même dans un environnement digitalisé, les entreprises non digitales vivent beaucoup moins bien le télétravail, notamment dans le monde des services. Celles qui rebondissent aujourd’hui sont celles qui utilisaient déjà  le cloud et avaient déjà accès à leur outil de travail en ligne. On constate même avec étonnement un vrai retard dans le monde juridique ou même médical créant l’arrêt subi de certains services. 

Comment pilotez-vous We TechCare et Emmaüs Connect en cette période de pandémie ?

En ce qui concerne We TechCare, start-up sociale ayant pour mission d’accompagner entreprises et institutions dans l’inclusion numérique de leurs publics,  l’essentiel de nos ressources sont collaboratives, en ligne,  le télétravail s’est donc organisé très rapidement. La situation a aussi renforcé le sens de notre travail.

Mais ce qui ressort de cette situation, c’est l’envie d’accélérer nos missions avec des réponses directes auprès des populations fragiles via des financements de solidarité de nos partenaires. 

Chez Emmaüs Connect, a dû fermer son activité traditionnelle qui est celle de nos 12 bureaux en France où nous accueillons les populations fragiles pour les accompagner dans leurs démarches numériques. 

Mais la période est devenue intense pour lutter contre les nouvelles formes d’exclusion: personnes âgées handicapés et jeunes non équipés en matériel numérique. 

Nous avons de fait développé l’accompagnement distant via le net. Ainsi de nombreux jeunes n’ont pas la connexion nécessaire pour suivre leur scolarité en ligne et nous avons pu distribuer 50 000 recharges internet au moyen d’un plan d’urgence monté en coopération avec SFR.  

Mais nous devons surtout mettre en place de nouveaux dispositifs d’aide, directement au domicile des personnes. Cela nous oblige à nous équiper différemment au niveau de la logistique. Un appel au don a été fait. 

Dans les deux entités We TechCare et Emmaüs Connect,  il ressort un point très positif de cette situation: l’envie et la nécessité  de solidarité du grand public et des entreprises. Si nous connaissons une baisse de productivité, il n’en est pas de l’activité, bien au contraire. Nous sommes extrêmement sollicités et nous nous sommes rendus compte que certaines solutions qui semblaient impossibles étaient possibles.

Qu’est ce que vous conseillez aux cadres dirigeants et institutions dans cette période de pandémie?

Il est de notre devoir de chef d’entreprise d’évaluer les besoins des salariés

Il nous faut identifier les personnes fragiles au sein de l’entreprise, tant au niveau physique (personnel exposé au Covid) que financier. 
Si l’état nous propose des aides et est actif à nos côtés pour soutenir nos entreprises financièrement,  il nous faut reproduire cette solidarité dans l’entreprise. Nous devons être particulièrement vigilants sur les liens que nous entretenons avec nos salariés, pour nous ne pas briser la confiance qu’ils ont en nous.  Cette solidarité sera essentielle pour réorganiser l’activité dans une situation de crise.

Il nous faut réfléchir à une nouvelle organisation de nos entreprises

Les mécanismes internes auront évolué pendant la pandémie, certains besoins seront apparus comme essentiels pour la pérennité de l’entreprise, des solutions auront été inventées pour faciliter le télétravail, de même des produits devront être  développés pour les clients qui auront d’autres besoins suite à la crise.

Il ne faut pas sous estimer les conditions d’hygiène

Elles seront certainement nécessaires à la sortie de crise au sein des entreprises.

En conclusion, il faut être conscient que l’on ne sortira pas de la crise sans solidarité à tous les niveaux que ce soit de l’état, de l’entreprise ou de l’individu. 

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Manuel Patrouillard

HEC, Directeur Général Handicap International - Humanity & Inclusion depuis 2014 (4000 collaborateurs – plusieurs milliers de bénévoles), anciennement Directeur Associé chez McKinsey.

Marie-Amélie Le Fur

Athlète handisport, elle est détentrice de neuf médailles lors des Jeux paralympiques. Elle est élue en décembre 2018 présidente du Comité paralympique et sportif français.