Virginie Hils — Les Entretiens de Valpré

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Au croisement de l’entreprise et de la personne humaine

Virginie Hils

Après une première partie de carrière dans les fonctions marketing de grands groupes agro-alimentaires sur le marché de la Grande Distribution, Virginie s’interroge sur l’orientation qu’elle souhaite donner à sa vie professionnelle. Retour sur les bancs de l’école, ceux de l’executive MBA de l’EMLYON, sur lesquels elle trouve les maitres-mots qui guideront désormais ses choix : le sens et l’ambition.

Un village sur deux en France n'a plus de commerce et se transforme en cité-dortoir.

Pourtant, ces lieux sont créateurs de liens, facilitent la vie des habitants et renforcent l’attractivité́ du village !

Pour tenter de répondre à ce défi, c’est en 2015 que Virginie Hils, entrepreneure finaliste du prix « Business with Attitude » de Madame Figaro, crée Comptoir de Campagne, un nouveau modèle de commerce multiservices, physique et connecté.

En septembre 2014, à l’occasion d’un marathon de l’innovation auquel Virginie participe, la communauté Waoup « Start-Up Factory » a proposé plusieurs thématiques dont celle de la désertification des commerces en milieu rural. Après une étude d’opportunité pilotée par un petit groupe de personnes de l’écosystème Waoup auprès d’acteurs des territoires ruraux (maires et équipes municipales, élus des collectivités territoriales), ce sujet se révèle effectivement une préoccupation majeure pour les populations et les élus. Ainsi nait en mars 2015  l’idée d’un réseau qui réinstalle des commerces multiservices en zone rurale : « Comptoir de campagne ».

Un premier comptoir est alors ouvert à Champdieu, un village de 1800 habitants dans le Forez, en février 2016. Ce commerce commercialise des produits locaux en circuit-court, des services de proximité́ (La Poste, transports en commun, cordonnerie, pressing, gaz, colis, presse, etc.) et une offre salon de thé/snacking, dans un lieu de vie et d’animation. Cette offre est également disponible au sein d'une boutique en ligne et via un service de livraison.

Suite au succès de cet établissement pilote, et aux demandes d’autres collectivités locales touchées par le problème, Comptoir de Campagne ouvrent par la suite 8 nouveaux magasins dans les départements environnants. 

 Ces lieux permettent de redonner accès à des commerces, mais aussi de redonner du bien-être aux habitants,

précise Virginie Hils. Pour cela, le développement de tiers-lieux permet d’apporter à la fois une continuité de service et un épanouissement économique tout en créant des espaces de rencontres et de vie.

Du sens et une ambition : les éléments principaux de motivation de Virginie sont bel et bien au rendez-vous !

En quoi vos activités sont-elles impactées par la pandémie ?

Nos commerçants font partie de la fameuse 2ème ligne évoquée par Emmanuel Macron. Nous poursuivons donc notre activité dans l’ensemble de nos magasins. Nous avons effectivement l’impression d’être au front parce qu’il a fallu s’adapter très rapidement tout en répondant à une très forte demande. Nous avons fermé les espaces snacking et nos pièces « services + » et nous avons concentré l’activité sur l’épicerie locale en circuit court.

Quelles sont alors les modalités de pilotage que vous avez mises en place pour relever ce défi ?

Pour protéger nos salariés et les clients, nous avons divisé nos horaires d’ouverture par deux et les commerçants sont en binôme en permanence. Nous avons développé la préparation de commande par téléphone et la distribution en mode « drive » que l’on sert ou que l’on livre, avec l’aide de la municipalité, pour les personnes fragiles ne pouvant se déplacer. Actuellement,  nous préparons déjà l’après en imaginant comment réouvrir l’intégralité des espaces tout en ayant moins de contacts que nous n’avions précédemment avec les systèmes de protection classiques : panneaux de plexiglass, gel hydroalcoolique, masques et visières pour nos commerçants, organisation d’un circuit dans les magasins…  

Nous essayons d’imaginer le monde d’après : il y aura sûrement beaucoup plus de commandes qu’auparavant. Nous allons certainement gagner des nouveaux clients et enregistrer des paniers d’achats plus importants. Les gens prennent conscience, au travers de cette crise, de l’importance du local. Certains ont découvert l’intérêt du commerce de proximité, pas loin de chez eux, qu’ils n’avaient jusque là pas eu le temps de tester.

Quels enseignements tirez-vous de cette première période de crise ? Quels conseils pourriez-vous apporter à d’autres entreprises ou institutions ?

Nous avons vécu un doublement voire parfois triplement de la demande par temps de crise et notre organisation a tenu : nous sommes très fiers de çà !

Les commerçants, et les collaborateurs dans les fonctions supports, sont restés très mobilisés malgré les risques que la situation leur demandait de prendre et l’inquiétude légitime de leur entourage. Ils se  sentent investis d’une mission consistant à la fois à délivrer des produits de première nécessité mais également à endosser un rôle de pédagogue sur les gestes barrières qui n’étaient pas systématiquement respectés par des clients un peu égarés ou sceptiques au départ puis de soutien face à l’ampleur et la gravité que prenait la crise. C’est cette dimension propre à l’économie sociale et solidaire, avec l’idée de participer à un développement plus durable et plus inclusif, qui a été le moteur de leur engagement sans faille.

Ce qui est également remarquable, c’est l’aide de nos fournisseurs. Comme tout le monde, nous avons eu beaucoup de difficultés à trouver des masques et du gel hydroalcoolique et, là encore, la solidarité a joué à plein avec un soutien de leur part qui nous a permis de remédier au problème avec des solutions locales. La flexibilité et le soutien d’un écosystème de proximité génèrent des solutions d’entraide qui se révèlent très opérants dans des temps difficiles.

Cet enseignement renforce ma conviction que, s’il est nécessaire parfois d’aller chercher l’inspiration à l’extérieur de l’entreprise, il faut aussi faire confiance au terrain. Le dirigeant doit porter la vision et la partager largement, mais il doit aussi être à l’écoute en identifiant des solutions dans la proximité. Soyons plus pragmatiques, plus simple, plus flexibles. Parfois, nous ne voyons pas ce que nous avons juste sous nos yeux. Nous prônons la consommation locale, le développement durable et inclusif. Nos territoires sont riches de savoir-faire, de compétences, d’innovations.

Finalement, n’est-ce pas l’une des leçons de cette crise ? Essayons désormais de trouver la valeur et les ressources en interne dans l’entreprise, en interne sur le territoire français et arrêtons les sollicitations systématiques auprès d’acteurs éloignés et extérieurs à nos écosystèmes.

Toujours soucieuse d’inclure les citoyens dans son aventure, Comptoir de campagne prépare sa troisième levée de fonds sur LITA.co. Les deux premières ont été réalisées pour permettre le développement de la société. A présent, l’entreprise souhaite renforcer son implantation et déployer son réseau de franchise dans différentes régions françaises.

Pour plus d’informations : https://fr.lita.co/fr/projects/740-comptoir-de-campagne

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Manuel Patrouillard

HEC, Directeur Général Handicap International - Humanity & Inclusion depuis 2014 (4000 collaborateurs – plusieurs milliers de bénévoles), anciennement Directeur Associé chez McKinsey.

Diane Dupré la Tour

Co-fondatrice des « Petites Cantines », un réseau de restaurants solidaires de quartier, ouverts à tous, dont l’objectif est de développer les liens de proximité et de promouvoir l’alimentation durable.